Précisions sur la computation du délai de standstill : CE, 2 août 2011, Req. n°347526, Société Clean Garden

En l'espèce, la commune de Ducos avait lancé le 15 septembre 2010 une procédure formalisée de passation d'un marché public portant sur des prestations de nettoiement des voies et espaces publics et d'entretien, d'élagage et de fauchage des bords des voies publiques.

La Société Clean Garden qui avait présenté sa candidature et déposé une offre dans les délais impartis, s'est vue notifier le rejet de son offre par lettre du 28 décembre 2010. La société Seen Net avait été déclarée attributaire dudit marché.

Contestant cette décision, et souhaitant obtenir l'annulation de la procédure de passation du marché public, la SOCIETE CLEAN GARDEN a saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Fort-de-France sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Or, la commune de Ducos avait le jour même de l'introduction du référé précontractuel, signé le marché avec la société Seen Net. Conformément à l'article L551-1 du code de justice administrative, « le juge est saisi avant la conclusion du contrat », ce qui a pour effet de rendre la requête sans objet dés lors que le contrat est signé, le juge ne pouvant plus remplir son office (CE, 3 novembre 1995, Req. n°157304, CCI de Tarbes et des Hautes-Pyrénées ; Ce, 14 novembre 2007, Req. n°307310, Sté Cazeaux). Le recours en référé précontractuel devient donc irrecevable (CE, 6 avril 2007, Req. n°295641, Communauté de Communes du pays de Chaumontais).

La Société Clean Garden a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France, l'annulation de ce marché, cette fois sur le fondement des dispositions des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative relatives au référé contractuel.

Or, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 551-14 du Code de justice administrative, les personnes ayant déjà exercé un référé précontractuel ne sont en principe plus recevables à agir en référé contractuel.

Pour autant, outre l'hypothèse d'une signature du contrat en cours d'instance précontractuelle, et celle où l'Administration ne s'est pas conformée à la décision de référé précontractuel qui ouvre droit à une action en référé contractuel, le Conseil d'État a déjà précisé par le passé que le candidat dont le référé précontractuel a été jugé irrecevable en raison d'une signature précipitée du contrat en méconnaissance des délais de suspension prévus par les textes demeure également recevable à former un tel recours (CE, 10 nov. 2010, n° 340944, Établissement public national des produites de l'agriculture et de la mer).

La SOCIETE CLEAN GARDEN, pensait se trouver dans cette dernière hypothèse, la commune de Ducos n'ayant selon elle pas respecté les délais imposés par l'article 80 du Code des marchés publics. Cependant, le Conseil d'Etat a considéré qu'il y avait lieu d'annuler l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Fort de France au motif que la requête en référé contractuel avait été déclaré recevable. Selon le Conseil d'Etat, ce recours devait être déclaré irrecevable, car l'article 80 du Code des marchés publics, prévoit un délai de 16 jours minimum devant être respecté entre la date d'envoi de la notification du rejet de l'offre et la conclusion du contrat (délai réduit à 11 jours en cas de transmission électronique), pour permettre aux candidats évincés d'exercer un référé précontractuel, ce qui avait été le cas en l'espèce.

A ce titre, le Conseil d'Etat vient apporter une précision utile au calcul de ces délais. Il indique que :

« le délai que doit s'imposer puis respecter le pouvoir adjudicateur entre l'envoi aux concurrents évincés de la notification du rejet de leur candidature ou de leur offre et la conclusion du marché est un délai dont la computation s'opère de date à date ».

Or, en l'espèce, la notification a été envoyée le 28 décembre 2010, et le marché signé le 13 janvier 2011. Le 28 décembre doit être pris en compte dans le calcul, car il s'agit du premier jour du délai. Par conséquent, conformément au principe énoncé par le Conseil d'Etat, la suspension a pris fin le 12 janvier 2011 au soir. La commune de Ducos pouvait donc valablement signer le marché subséquent le lendemain, en l'occurrence le 13 janvier 2011.

Le délai de suspension a été respecté. La Société Clean Garden n'a pas été privée de l'exercice du référé précontractuel, objet principal, si ce n'est exclusif de l'instauration de ce délai. Par conséquent, l'introduction de son référé précontractuel, le 13 janvier 2011, date de la signature du contrat, était tardive. Elle ne pouvait donc prétendre à exercer un référé contractuel, qui, faut-il le rappeler, n'est pas le prolongement du référé précontractuel, ni une seconde chance offerte aux candidats évincés.

Cette précision encadre encore un peu plus l'exercice des référés précontractuels et contractuels, une nouvelle fois dans un sens plus favorable à la sécurité juridique des contrats et aux pouvoirs adjudicateurs. Par ce mode de calcul, le délai est réduit, d'autant plus, qu'outre la computation de date à date, il s' agit d'un délai calendaire, prenant en compte les jours fériés et week-ends. A ce titre, en l'espèce, il faut constater que le 1er janvier a bien été pris en compte dans le calcul.

 

Le 18 octobre 2011

Publié le 18 octobre 2011