Le décret d'application de la question prioritaire de constitutionnalité

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Comme attendu, l'article 61-1 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, a été complété par les dispositions de la loi organique promulguée le 10 décembre 2009, est entré en vigueur le 1er mars 2010, et vient d'être précisé par les dispositions précitées du décret n°2010-148 du 16 février 2010.

Le décret n°2010-148 du 16 février 2010, publié au Journal Officiel du 18 février 2010, est venu préciser les modalités procédurales permettant la mise en oeuvre pratique de la question prioritaire de constitutionnalité.

L'article 1er de ce décret insère un chapitre 1er bis après le chapitre 1er du titre VII du livre VII du Code justice administrative intitulé : « La question prioritaire de constitutionnalité ».

Ainsi, parmi les dispositions désormais en vigueur :

- L'article R. 771-3 reprend les dispositions de la loi organique selon lesquelles devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un mémoire distinct et motivé. Il précise néanmoins que ce mémoire, ainsi que l'enveloppe qui la contient, portent la mention « Question prioritaire de constitutionnalité ».

- L'irrecevabilité tenant au défaut de présentation dans un mémoire distinct et motivé peut être opposée, en application de l'article R. 771-4, au besoin d'office, et ce sans en informer les parties et sans invitation à régulariser.

- L'article R. 771-5 réserve la possibilité de ne pas notifier le mémoire contenant la question prioritaire de constitutionnalité aux autres parties, « s'il apparaît de façon certaine » qu'il n'y a pas lieu de transmettre cette question.

- L'article R. 771-6 du Code de justice administrative prévoit la possibilité pour le juge administratif de ne pas transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité « mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil d'Etat ou le Conseil constitutionnel est déjà saisi ».

Cette disposition participe indéniablement à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice rappelé par la décision du Conseil constitutionnel n°2009-595 du 3 décembre 2009 (cf. commentaire AJDA 2010 p.383).

- L'article R. 771-7 prévoit que : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ».

 

Cette possibilité contribue également à satisfaire l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. La décision de transmettre ou le refus de transmettre une question au conseil d'Etat peut ainsi être décidée par ordonnance, soit à juge unique.

Toutefois, cela ne fait pas obstacle, comme il est de principe devant les juridictions administratives (CE, 13 juillet 1956, Piéton-Guibout), à ce que la décision qui se prononce sur la transmission soit finalement prise par la formation collégiale compétente (cf. commentaire AJDA 2010 p.383).

Le juge aura la possibilité de refuser de transmettre la question, si l'une des conditions posées par l'article 23-2 de la loi organique n'est pas remplie.

Les conditions à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité sont les suivantes :

« 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ».

Ce refus de transmission ne pourra être contesté que lors du recours au fond. L'article R. 771-9 précise alors que cette contestation devra être présenté dans « un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission.

Par ailleurs, « Le refus de transmission dessaisit la formation de jugement du moyen d'inconstitutionnalité » (article R. 771-10). Toutefois, ce refus pourra être déclaré nul et non avenu dans le cas où il aura été exclusivement motivé par la constatation que la disposition législative litigieuse n'était pas applicable au litige, si la juridiction entend finalement « fonder sa décision sur la disposition législative qui avait fait l'objet de la question qui n'a pas été transmise » (article R. 771-10, alinéa 2).

- L'article R. 771-11 du Code de justice administrative ne prévoit pas de dispositions particulières s'agissant des questions prioritaires de constitutionnalité soulevées pour la première fois devant les Cours administratives d'appel.

Par ailleurs, lorsque la question prioritaire de constitutionnalité est transmise par une juridiction relevant du Conseil d'Etat, celui-ci a trois mois pour se prononcer sur le renvoi de la question au Conseil constitutionnel.

Dans le cas où le moyen d'inconstitutionnalité est présenté la première fois devant le Conseil d'Etat, celui-ci a trois mois, à compter de la présentation du moyen, pour décider de saisir ou non le conseil constitutionnel.

Dans cette hypothèse, l'article R. 771-14 prévoit également la règle selon laquelle l'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, de la question peut être opposée sans que les parties ne soient invitées à présenter des observations, ni à régulariser.

Ce mémoire est alors notifié aux parties mais également au ministre compétent et au Premier ministre sauf « lorsqu'il apparaît de façon certaine, au vu de ce mémoire, que les conditions prévues à l'article 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ne sont pas remplies » (article R. 771-15).

Enfin, les observations devront être présentées par un avocat au Conseil d'Etat si la requête saisissant la juridiction qui a décidé le renvoi n'est pas dispensée de ministère d'avocat devant cette juridiction (article R. 771-20).

Publié le 07 avril 2010