Droit du sport

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LA SEMAINE JURIDIQUE N°26 - 24 juin 2013

sous la direction de Romain Boffa, professeur à l'université Lille 2, avec

Nathalie Blanc, maître de conférences à l'université Paris 2

Manuel Gros, professeur à l'université Lille 2

Bernard Haftel, maître de conférences à l'université d'Orléans

Franck Le Mentec, avocat associé, Cotty Vivant Marchisio et Lauzeral

Jean-Philippe Tricoit, maître de conférences à l'université Lille 2

 

Après le temps de la réforme, la période couverte par la chronique se signale par le repos du législateur. Est-ce à dire que la planète sportive est restée en sommeil ? Loin s'en faut. Outre un décret du 4 avril 2013 qui a créé le Conseil national du sport et deux propositions de loi en matière de lutte contre le dopage et d'audiovisuel, c'est la jurisprudence qui s'est montrée particulièrement active en matière sportive, et ce dans tous les domaines : service public, fiscalité, arbitrage, droit du travail, propriété intellectuelle et responsabilité. Il faut en outre noter une tension à venir entre l'ordre étatique et l'ordre sportif au sujet de la licence d'agent sportif, que la FIFA préconise de supprimer.

La chronique couvre la période de juin 2012 à mai 2013.

1. L'ordre sportif

A. - Normes sportives

1° Production des normes sportives

1 - Création du Conseil national du sport. Le sport est un terrain de jeu particulièrement propice à la collaboration et au heurt des sources du droit. S'y rencontrent les normes étatiques et internationales traditionnelles et les normes privées sécrétées par les fédérations et institutions sportives. Pour que la rencontre soit fertile, encore faut-il un intermédiaire. Tel est l'office du Conseil national du sport (CNS), créé par un décret du 4 avril 2013 (D. n° 2013-289 : JO 6 avr. 2013, p. 5750). Instance consultative placée auprès du ministre chargé des Sports, son office est de contribuer « au dialogue entre les acteurs du sport, à la coordination et à l'évaluation des politiques publiques en matière de sport » (C. sport, art. R. 142-1). Plus concrètement, il examine toute question d'intérêt commun relative à la définition et à la mise en oeuvre de la politique du sport et peut être consulté, à la demande du ministre chargé des Sports, sur tout projet de loi ou de texte réglementaire ainsi que sur tout projet d'acte de l'Union européenne ou de convention internationale se rapportant à la pratique sportive. Sa composition reflète sa mission de collaboration des sources, en ce qu'il est composé de cinq collèges représentant l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, le mouvement sportif, les acteurs sociaux et économiques du sport ainsi que les autres institutions intéressées (C. sport, art. R. 142-3). Le décor est planté. Pour combien de temps ? La prudence est de mise, lorsque l'on sait que le Conseil national des actions physiques et sportives a disparu en 2007, de même que l'éphémère Assemblée du sport, puis la Conférence nationale du sport lancée en janvier 2012 et déjà enterrée.

Romain Boffa

2° Contrôle des normes sportives

2 - L'État et le sport. La Cour des comptes a communiqué, le 17 janvier 2013, son rapport public sur le sport pour tous et le sport de haut niveau, au travers de l'analyse, pour la première fois des politiques de l'État en ces deux domaines (C. comptes, rapp. 17 janv. 2013, Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l'action de l'État). Constatant une forte présence financière de l'État (4,3 milliards d'euros par an), la Cour estime que dans le contexte de difficultés des finances publiques, l'État doit adapter sa stratégie, déterminer des priorités, et développer des moyens de mesures et d'évaluation, en intégrant le sport scolaire et universitaire (élément essentiel du sport pour tous) dans les politiques sportives. Le sport de haut niveau doit connaître le même sort en termes de sélectivité renforcée et de détermination des priorités. Ces politiques adaptées devront l'être en collaboration avec les fédérations sportives. La Cour conclut par des recommandations (adaptation du rôle de régulateur de l'État, politique de réduction des inégalités sportives notamment). Le rapport de la Cour des comptes en matière sportive, comme dans les autres matières d'ailleurs, posa la difficile question du déport entre contrôle financier et contrôle d'opportunité. L'absence d'effets juridiques du rapport permet sans doute une plus grande liberté.

 

3 - La religion et le sport. Peu avant les Jeux Olympiques de Londres, la FIFA et la CIO avaient autorisé les sportives à afficher leur appartenance religieuse, notamment par le port du voile islamiste, lors des compétitions sportives. Répondant à une question d'un député, la ministre des Sports rejette la position des deux organes internationaux et considère que « la position du Gouvernement est claire : on ne porte de pas de voile pour faire du sport » estimant que les enceintes sportives étaient des lieux de neutralité. Mais elle tempère son propos « nul ne doit être écarté de la pratique sportive en raison de ses opinions religieuses » (JOAN, Q 9 avr. 2013, n° 21487).

Manuel Gros

 

B. - Justice sportive

1° Justice sportive et arbitrage

4 - Arbitrage : L. A. (Not So) Confidential. Dans l'affaire Lance Armstrong, la version journalistique aura retenu que le coureur déchu avait « tourné la page » sur Twitter et renoncé à toute contestation des accusations portées contre lui. Pourtant, avant de jeter l'éponge, le vainqueur du Tour du Luxembourg 1998 avait saisi la justice civile américaine en prétendant que l'arbitrage proposé par l'US Anti-doping Agency (USADA) violait son droit à un procès équitable aux fins d'interdire la poursuite de ladite procédure arbitrale. Par sa décision du 12 août 2012, la Western Court of Texas, Austin Division (aff. n° A-12-CA-606-SS) a estimé que le recours à l'arbitrage était conforme au droit à un procès équitable américain, rendant ainsi sans objet la question de l'injonction anti-suit. Même si la question portait sur le due process américain, elle trouverait aisément un équivalent de ce côté-ci de l'Atlantique, dans le droit au juge de l'article 6, § 1, de la Convention EDH (comp. V. Heuzé, Arbitrage international : quelle raison à la déraison ? : D. 2011, p. 2880). Précisément, Armstrong invoquait, pour accréditer la violation de son droit au juge, la partialité du tribunal arbitral (comprendre : de tout tribunal arbitral) et l'absence de contrôle de l'éventuelle sentence par les juges américains. Le premier point, totalement abstrait, est, à juste titre, rapidement évacué par le juge américain. On ne peut en effet préjuger, de manière générique, du défaut d'impartialité de tous les arbitres éventuels. Restait le second point : la décision n'était pas susceptible de recours devant le juge américain puisque seul un appel devant le tribunal arbitral du sport (TAS), éventuellement suivi d'un appel devant les juges suisses était possible. Certes, les juges américains restaient sans doute compétents pour décider de l'exécution forcée mais, et là se situe la particularité du droit du sport, l'essentiel d'une décision arbitrale se joue en dehors de l'ordre juridique étatique, directement dans l'ordre juridique sportif, en l'occurrence par le retrait des titres obtenus et l'interdiction de toute participation future (not. à l'Ironman, auquel Armstrong avait commencé à s'attaquer). La question n'était donc pas absurde. Le juge américain écarte cet argument au motif qu'Armstrong disposait de plusieurs recours (TAS, tribunaux suisses). Un autre élément pouvait ici convaincre : la faculté de renonciation. En se soumettant aux règlements des différentes instances sportives, Armstrong avait consenti à l'arbitrage (sur ce point, et sur la question de la compétence-compétence, V. jugement, p. 24 ) et ne pouvait, dès lors, se plaindre ultérieurement de son principal effet : la mise à l'écart des tribunaux étatiques.

 

5 - Dopage : obligation de localisation et droit au respect de la vie privée et familiale. Une autre sentence, rendue le 11 juin 2012, dans une affaire opposant un jeune athlète à l'agence antidopage Antidoping Suisse (TAS 2011/A/2526), posait une question intéressante : l'obligation pour l'athlète d'indiquer à Antidoping Suisse sa localisation à tout moment, même en dehors de toute compétition, est-elle conforme au droit au respect de la vie privée et familiale garanti, notamment, par l'article 8 de la Convention EDH ? Le TAS admet que l'obligation de localisation est susceptible de constituer une telle atteinte mais l'écarte néanmoins en se fondant sur plusieurs motifs dont seul le dernier apparaît essentiel : la lutte contre le dopage. L'obligation de localisation a en effet pour but de permettre les contrôles inopinés qui participent assurément à la lutte contre le dopage. Et le TAS d'égrener les nombreux textes - loi fédérale suisse du 17 mars 1972 encourageant la gymnastique et les sports, la Convention de Strasbourg contre le dopage du 16 novembre 1989, la Convention de l'UNESCO contre le dopage dans le sport du 19 octobre 2005 - accréditant l'idée que la lutte antidopage constitue un but légitime. Cependant, aux termes de l'article 8 de la Convention EDH, l'ingérence doit non seulement poursuivre un but légitime, mais encore être « prévue par la loi ». Et c'est là que le bât blesse. Car ce ne sont pas ces textes qui prévoient l'obligation de localisation, mais le Statut concernant le dopage 2009, c'est-à-dire les règles adoptées pas Swiss Olympic, qui n'est juridiquement qu'une association de droit suisse (comp. en France, C. sport., art. L. 232-5, qui a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité non transmise par le Conseil d'État : CE, 29 mai 2013, n° 364839 : JurisData n° 2013-011395). Peut-on voir dans ce statut, une « loi » au sens de l'article 8 de la Convention EDH ? On peut très sérieusement en douter. On voit ici une limite de la coordination de l'ordre juridique sportif et de la Convention EDH. L'ordre juridique sportif entend respecter les injonctions venant des autres ordres juridiques, notamment étatiques, mais la Convention EDH, ne s'adressant qu'aux États contractants, ne prend pas en compte d'autres normativités.

 

6 - Procédure arbitrale et procédures collectives. Dans le même registre de la coordination des ordres juridiques sportif et étatique, le TAS a eu à trancher la délicate question de l'incidence d'une procédure collective touchant l'une des parties à une procédure arbitrale, en l'occurrence le Real Saragosse (TAS 2012/1/7050, 15 oct. 2012, FC Shakhtar Donetsk c/ FIFA & Real Zaragoza SAD,). Par une sentence, devenue définitive, rendue le 19 mai 2009, le TAS avait condamné le Real Saragosse à payer au club ukrainien Shakhtar Donetsk près de 12 millions d'euros à la suite d'un débauchage de joueur irrégulier. Le club espagnol ne s'exécutant pas, une seconde procédure fut intentée à des fins disciplinaires. Entre-temps, le club espagnol se déclara en état de cessation des paiements et fut placé en faillite volontaire par jugement du tribunal de commerce de Saragosse. Par une sentence du 29 juin 2011, le TAS décida néanmoins que le club ukrainien pourrait demander que six points soit retirés au Real Saragosse au classement du championnat espagnol. Le plaignant demanda ce retrait par l'intermédiaire de la FIFA mais la fédération espagnole s'y refusa, excipant du jugement du tribunal de commerce qui, non seulement prévoyait un principe général d'arrêt des poursuites, mais aussi et surtout, expressément, ordonnait à la fédération espagnole de ne pas mettre en oeuvre la sanction réclamée par le club ukrainien. La FIFA considéra que la justice étatique prévalait ici et ordonna la clôture de la procédure disciplinaire à l'encontre du Real Saragosse. Le Shakhtar Donetsk fit appel devant le TAS, donnant lieu à la sentence rapportée. On perçoit bien ici la tension créée par les ordres contradictoires de la justice sportive et de la justice étatique. La décision rendue est assez représentative de l'effort que doit mener le TAS pour coordonner les deux justices. Par une analyse littérale précise des décisions rendues par le tribunal de commerce, le TAS observe que, dans un premier temps (ouverture des poursuites) aucune interdiction des sanctions n'existait et que donc, la sentence de 2011 qui prévoyait le droit de demander le retrait des points était valable. Dans un deuxième temps, le TAS observe que le tribunal de commerce n'ayant interdit à la fédération espagnole que d'appliquer les sanctions décidées jusqu'à la fin de la procédure collective, ces sanctions, quoique paralysées par la procédure, n'en étaient pas pour autant mises à néant. Le TAS en déduit, de manière convaincante, que la procédure disciplinaire à l'encontre du Real Saragosse ne sera que suspendue pendant la durée de la procédure collective, et non clôturée. Au-delà de la solution, c'est la méthode qui interpelle et convainc. Celle-ci semble tenir en deux propositions que l'on serait assez aisément tenté de généraliser : recherche d'une conciliation des justices dans toute la mesure du possible ; prévalence, dans le cas contraire, de l'ordre juridique étatique.

Bernard Haftel

 

2 ° Justice sportive et justice étatique

7 - Recours internes préalables obligatoires. Examen de la régularité des procédures initiales (refus). Le Conseil d'État censure un arrêt rendu par la cour administrative de Marseille qui n'était pas conforme à la jurisprudence établie. La cour s'était fondée sur le fait que la substitution à la décision disciplinaire initiale de la décision prise, sur recours, par l'instance disciplinaire d'appel ne faisait pas obstacle à ce que soit invoqué, à l'encontre de cette décision, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant l'organe disciplinaire de première instance. Le juge administratif suprême considère, classiquement, « qu'en se prononçant ainsi, alors que, dans le cadre d'un recours administratif préalable obligatoire devant l'organe disciplinaire d'appel en matière sportive, la procédure suivie devant cet organe et la décision prise par ce dernier se substituent entièrement à la procédure suivie devant l'organe disciplinaire de première instance et à la décision prise par ce dernier » la cour avait commis une erreur de droit (CE, 26 déc. 2012, n° 350833, Féd. française d'athlétisme : JurisData n° 2012-030472). Ce refus d'examen de l'irrégularité des décisions disciplinaires initiales ne peut se concevoir sans doute que limité aux questions procédurales, comme le démontre l'examen par évocation de tous les autres moyens de droit, pour aboutir toutefois au rejet de la requête de l'intéressé et à une condamnation de 5 000 € au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

 

8 - Compétence juridictionnelle du Conseil d'État et pouvoir de tutelle du ministre. En outre, le Conseil d'État a jugé que la décision du ministre de l'Intérieur, prise dans le cadre de ce pouvoir, par laquelle il refuse la modification des statuts d'une fédération reconnue d'utilité publique ne présente pas un caractère réglementaire. Par suite, le Conseil se déclare incompétent pour statuer en premier et dernier ressort (CE, 4 juill. 2012, n° 354892, Féd. française de gymnastique : JurisData n° 2012-015089).

Manuel Gros

 

C. - Fiscalité sportive

1° Fiscalité nationale

9 - Agent trop cher : le vil n'a pas de prix. Non-déduction pour un agent de joueurs de versements effectués au profit de tiers sans contrepartie réellement établie. - La cour administrative d'appel de Lyon a, dans un arrêt du 16 août 2012 (CAA Lyon, 16 août 2012, n° 11LY01377), eu à juger de la déductibilité de charges exposées par une société d'un agent - peu scrupuleux - de joueurs de football. La cour rappelle que l'administration fiscale peut s'opposer à la déduction de certaines dépenses dès lors que la charge n'est pas déductible par nature et qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. Ont été considérés comme non-déductibles les versements effectués au profit de la mère d'un joueur de l'Olympique Lyonnais (OL), salariée de cet agent de joueur pendant quelques mois, pour un travail non démontré - son travail consistait à approcher les jeunes joueurs de football qui côtoyaient son fils au centre de formation et à convaincre son fils de prolonger son contrat avec le club de l'OL - et les remboursements de frais de déplacement - toujours non justifiés - au profit du père d'un joueur de l'A. S. Saint-Étienne, afin de s'attirer les faveurs du joueur pour que ce dernier choisisse cet agent pour ses affaires.

 

10 - Taux de TVA applicable aux droits perçus par un organisateur de tournois de polo auprès de compétiteurs. La cour administrative d'appel de Marseille a, dans un arrêt du 26 mars 2013 (CAA Marseille, 26 mars 2013 n° 11MA00765), considéré que les droits perçus des compétiteurs pour leur participation aux tournois organisés par une société sportive, relèvent du taux normal de TVA, et non du taux réduit. Les juges ajoutent que le contribuable en cause ne peut se prévaloir d'un courriel de la direction de la législation fiscale adressé au groupement hippique national, précisant que « pour ce qui concerne des compétitions organisées dans le secteur du cheval, le taux de 5,5 % est effectivement applicable », car il s'agirait d'une interprétation formelle de la loi fiscale, laquelle ne peut être opposée au motif que la société requérante n'est pas membre du groupement hippique national et que l'activité du haras, même si elle se pratique avec des chevaux, diffère de celle des membres du groupement.

 

2° Fiscalité internationale

11 - Compatibilité du dispositif anti-évasion fiscale, applicable aux sportifs, avec la liberté d'établissement. Dans deux arrêts du 20 mars 2013 (CE, 20 mars 2013, n° 346642, Piazza : JurisData n° 2013-005593 et n° 346643, inédit, Piazza), le Conseil d'État s'est prononcé pour la première fois sur la compatibilité de l'article 155 A du Code général des impôts avec le principe de liberté d'établissement posé à l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. L'article 155 A permet de lutter contre certains montages dits Rent a star par lequel la rémunération du contribuable - généralement un artiste ou un sportif - correspondant à ses prestations ne lui est pas versée directement, mais est perçue par une société sans substance établie dans un État à fiscalité privilégiée. Il prévoit d'imposer en France le prestataire réel - par exemple le sportif - sur les sommes perçues par le prestataire apparent - la société - dans trois hypothèses : le prestataire réel contrôle la société qui perçoit la rémunération ; il n'établit pas que la société exerce de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services ; la société réside dans un pays à fiscalité privilégiée. Le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif, mais a posé une réserve d'interprétation selon laquelle il ne doit pas conduire à une double imposition du contribuable dans le cas où la société lui reverse en France une partie des sommes perçues (Cons. const., déc. 26 nov. 2010, n° 2010-70 QPC : JurisData n° 2010-030835). Certains juges du fond se sont déjà prononcés dans le sens d'une incompatibilité de principe entre l'article 155 A et la liberté d'établissement (CAA Douai, 14 déc. 2010, n° 08DA01103 : JurisData n° 2010-026639). D'autres ont en revanche écarté toute incompatibilité lorsque la société est une structure artificielle dépourvue de substance (not. CAA Paris, 1er déc. 2011, n° 09PA02693). Le Conseil d'État juge, quant à lui, que l'article 155 A est compatible avec la liberté d'établissement. Il limite le champ d'application de l'article 155 A aux prestations correspondant à un service rendu, par le contribuable, et pour lequel la facturation par la société ne trouve aucune contrepartie dans son intervention. Dans le cadre d'une procédure de contrôle, il appartient à l'Administration de prouver que le service rendu par le contribuable constitue la part essentielle de la prestation. Cette interprétation du dispositif anti-évasion fiscale conduit à imposer l'ensemble de la somme versée à une société dépourvue de substance, mais à exclure de l'imposition la fraction de la somme versée à une société non artificielle résultant d'une contrepartie réelle de cette dernière. Le Conseil d'État n'ayant pas limité cette interprétation à la seule hypothèse d'un contrôle par le prestataire de la société étrangère (1re hypothèse visée par l'article 155 A mentionnée ci-avant), le dispositif anti-évasion fiscale devrait également être reconnu compatible avec le principe de libre prestation de services, lorsque la société n'exerce pas de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services, ou réside dans un pays à fiscalité privilégiée (2e et 3e hypothèses visées par l'article 155 A).

Franck Le Mentec

 

2. Les acteurs du sport

A. - Organisateurs sportifs

1° Stades et manifestations sportives

12 - Construction ou rénovation des stades et concertation des élus. Trois affaires portées devant des tribunaux administratifs concernent la rénovation ou la construction de stades et le défaut d'information des élus. Dans la première, les juges ont annulé la délibération approuvant la cession des terrains par la communauté urbaine de Lyon à une société foncière. La communauté urbaine de Lyon n'ayant pas informé les élus de l'entière portée de l'avis du service des domaines, elle devra, si elle souhaite poursuivre le contrat de cession des terrains censés accueillir le futur stade de l'OL, faire voter une nouvelle délibération approuvant rétroactivement la promesse unilatérale de vente (TA Lyon, 10 janv. 2013, n° 1104543, Poet et a.). Dans la deuxième affaire, le juge des référés, admettant l'urgence compte tenu de l'imminence des travaux sur fonds publics, a considéré que constituait un doute sérieux quant à la légalité de la décision, le fait « que l'accord de principe sur la participation du département à la rénovation du stade Bollaert n'était pas mentionné à l'ordre du jour de la séance de la commission permanente du 8 octobre et a fait l'objet, lors de ladite séance, d'une distribution sur table d'un rapport succinct », prononça la suspension du financement départemental pour la rénovation du stade Bollaert de Lens en vue de l'Euro 2016. Une nouvelle délibération, cette fois dans les formes, le permet, mais fait l'objet d'une contestation devant le juge du fond (TA Lille, ord., 31 oct. 2012, n° 1205862, Petit et a. c/ Conseil gén. du Pas-de-Calais). Enfin, dans l'affaire du stade Roland-Garros, le tribunal a estimé que la délibération était illégale au double motif que l'information des conseillers de Paris lors du vote de la délibération n'avait pas été suffisante et que le taux de la redevance versée à la ville en application de la convention était manifestement trop faible au regard des avantages de toute nature consentis à la Fédération française de tennis (TA Paris, 28 févr. 2013, n° 1200787, Assoc. du quartier du Parc des Princes pour la sauvegarde de ses caractéristiques et association Boulogne patrimoine).

 

13 - Achat de places de spectacles sportifs et Code des marchés public. Le département du Rhône avait acheté des places pour un match de l'OL et cela sans mise en concurrence. Le Conseil d'État retient que lorsqu'une collectivité achète des places de football afin de « promouvoir l'activité sportive auprès du jeune public (...) et encourager l'encadrement bénévole de cette activité », ce contrat constitue un marché public au sens de l'article 1er du Code des marchés publics. «s'agissant toutefois de prestations ayant nécessairement un caractère unique, une mise en concurrence pour l'achat spécifique de ces billets, dont seul le club de football “Olympique Lyonnais“ est le distributeur, s'avérait impossible au sens des dispositions précitées de l'article 28 du Code des marchés publics», passer ce contrat dans les conditions précitées, ne méconnaissait pas « les principes de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats ». Le raisonnement suivi semble de bon sens, mais qu'aurait pu dire le juge si le club de Saint Étienne était situé dans le département du Rhône ? Que devrait dire le tribunal administratif de Lille s'agissant des deux clubs nordistes, de Lille et de Valenciennes ? Cela s'entend-il exclusivement de la Ligue 1 ? Autant de questions (CE, 28 janv. 2013, n° 356670, Dpt Rhône : JurisData n° 2013-001143).

Manuel Gros

 

2° Responsabilités

14 - Préjudice sportif. Dans une décision du 28 novembre 2012, la Haute juridiction s'attache au préjudice subi par le sportif professionnel. Elle souligne que le manquement du médecin à son obligation d'information cause un préjudice moral au patient, peu important sa qualité de sportif aguerri (Cass. 1re civ., 28 nov. 2012, n° 11-26.516, inédit : JurisData n° 2012-027563). En l'occurrence, un médecin généraliste a prescrit à un cycliste professionnel un médicament contenant une substance interdite lors de certaines compétitions. Le patient a par la suite été exclu du Tour de France pour utilisation de produits dopants. Les juges du fond ont admis que le médecin avait commis une faute mais ils ont pourtant exclu toute indemnisation, retenant que le patient était bien informé des incidences de ses actes et des risques encourus en matière de dopage. La décision est censurée pour violation de la loi au visa de l'article L. 1111-2 du Code de la santé publique. Le seul fait pour le médecin de méconnaître son obligation d'information cause un préjudice au patient que le juge doit réparer. La jurisprudence s'oriente ainsi vers l'admission d'un véritable droit subjectif à l'information. La seule violation par le médecin de son obligation cause au patient un préjudice moral qui doit être réparé. L'arrêt en présence s'inscrit dans ce mouvement, en refusant de tenir compte de la qualité du patient et des informations dont il pouvait disposer de ce fait. À noter que le préjudice sportif est également envisagé, pour les sportifs occasionnels, sous l'angle du préjudice d'agrément, défini désormais comme le « préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs » (Cass. 2e civ., 28 juin 2012, n° 11-16.120, P+B : JurisData n° 2012-014225). La Cour de cassation abandonne la distinction entre les victimes d'accidents du travail - pour lesquelles une conception large et objective du préjudice d'agrément prévalait jusqu'ici (Cass. 2e civ., 8 avr. 2010, n° 09-14.047 : JurisData n° 2010-003348 ; Bull. civ. 2010, II, n° 78. - n° 08-70.464 : JurisData n° 2010-003350 ; Bull. civ. 2010, II, n° 79) - et les autres.

 

3° Propriété intellectuelle

15 - Objet du monopole d'exploitation du spectacle sportif. L'article L. 333-1 du Code du sport confère un monopole d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives aux fédérations ainsi qu'à certains organisateurs. L'objet exact de ce droit exclusif demeure largement mystérieux, ce qui n'a pas été sans susciter nombre de difficultés. Deux conceptions sont envisageables. Une conception restrictive selon laquelle le droit exclusif ne porterait que sur la seule retransmission de l'événement. Une conception extensive aux termes de laquelle l'exclusivité engloberait toute activité économique qui peut être rattachée à l'événement. En raison de l'imprécision de la loi - ubi lex non distinguit - la jurisprudence opte plutôt pour cette seconde approche. L'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 12 décembre 2012 le rappelle tout en venant préciser les limites du droit exclusif d'exploitation. En l'espèce, était en cause une publicité pour une voiture publiée par un quotidien sportif. La Fédération française de rugby invoqua une violation de son monopole d'exploitation - en l'occurrence de son droit de parrainage - en ce que la publicité laissait croire que l'annonceur était le parrain du XV de France. Tout en rappelant que l'exclusivité englobe toute activité économique, la cour d'appel de Paris précise que « pour être caractérisée, une atteinte à la propriété des droits visés suppose une appropriation ou exploitation d'une compétition ou manifestation sportive » ce qui implique de démontrer que l'activité économique en cause réalise une « captation injustifiée d'un flux économique généré à l'occasion d'évènements sportifs (...) constitutive d'une exploitation directe illicite, comme non autorisée ». Dès lors, la publicité litigieuse se bornant à faire état de l'actualité sportive sans faire aucune référence ni à la Fédération, ni à son logo officiel, aucune équivoque sur la qualité de l'annonceur ne résultait de sa présentation et aucune atteinte au droit privatif de la Fédération n'en résultait. Toute activité économique ne brise donc pas le monopole d'exploitation des fédérations et organisateurs de manifestations sportives.

 

16 - Droit à l'information du public : 1 minute 30 pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Une autre limite vient borner le monopole d'exploitation des organisateurs de compétitions sportives : le droit à l'information du public. Ainsi, l'article L. 333-7 du Code du sport crée un véritable droit de citation, construit sur le modèle de la courte citation du droit d'auteur. Un service de communication non-cessionnaire des droits d'exploitation peut citer de « brefs extraits » de l'événement sportif afin d'informer le public sans avoir à obtenir une autorisation ni à verser une rémunération. Peuvent notamment bénéficier du droit de citation, les journaux télévisés ou encore les magazines sportifs. Une question demeurait toutefois source d'incertitudes en jurisprudence : qu'entendre par « brefs extraits » ? (V. Cass. com., 8 févr. 2005, n° 04-13.104 : JurisData n° 2005-026902 ; Bull. civ. 2005, IV, n° 25). La loi n° 2012-158 du 1er février 2012 a prévu que les conditions de diffusion des brefs extraits seraient fixées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). C'est chose faite depuis la délibération du CSA du 15 janvier 2013. Désormais, la durée de diffusion de brefs extraits ne doit pas excéder 1 minute 30 secondes par heure d'antenne et par journée de compétition ou d'événement. Quid si Nadal se blesse par claquage au cours de la première minute du match ? Le CSA l'a prévu : si la compétition sportive dure six minutes ou moins, la durée de diffusion des extraits ne devra pas dépasser 25 % de la durée totale de la compétition, sans qu'une durée inférieure à 15 secondes puisse être imposée. Le CSA précise également que la diffusion des extraits doit avoir lieu après la fin de la première diffusion du programme par le service détenteur des droits. Signalons en outre une proposition de loi du 15 mai 2013 sur les conditions de retransmission des événements à la télévision qui élargit la notion d'événements sportifs d'importance majeure visée par l'article L. 333-9 du Code du sport et définie par un décret du 22 décembre 2004. Au nom du droit à l'information, ces événements ne peuvent être retransmis en exclusivité d'une manière aboutissant à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision non-payant. La proposition y inclut toutes les compétitions sportives à caractère national ou international se déroulant sur le sol français ainsi que les rencontres sportives à caractère national ou international où interviennent des équipes ou des athlètes français. Le but du texte est d'assurer une meilleure représentativité des différentes disciplines sportives tout en permettant un accès au plus grand nombre.

Nathalie Blanc

 

B. - Sportifs et éducateurs sportifs

1° Droits et santé des sportifs

17 - Législation en matière de dopage. Signe de ce que la lutte contre le dopage est au coeur de l'action publique, pas moins de deux décrets et une proposition de loi sont à signaler. Tout d'abord, le décret n° 2012-1426 du 19 décembre 2012 dresse pour l'année 2013 la nouvelle liste des substances et méthodes interdites dans le sport en conformité avec le Code mondial antidopage. Ensuite, le décret n° 2012-1156 du 15 octobre 2012 vient parachever l'introduction par la loi du 1er février 2012 de la procédure unique de l'autorisation prévue par la Convention internationale contre le dopage dans le sport pour les sportifs dont l'état de santé nécessite l'usage de certaines substances. Le décret abroge l'ancienne procédure de déclaration d'usage et adapte la procédure de délivrance des autorisations d'usage thérapeutique au cas des sportifs souffrant de pathologies chroniques. Enfin, une proposition de loi relative au partage des responsabilités entre les acteurs de la lutte antidopage en date du 6 février 2013 a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale. Le texte vise à renforcer, au détriment des fédérations internationales, le rôle de l'Agence française de lutte contre le dopage, en adoptant une définition plus stricte de la notion de compétition internationale. Il faut savoir que l'article 15 du Code mondial antidopage énonce que seule une autorité est en charge, par compétition, du contrôle antidopage. Dès lors, les compétitions internationales sont contrôlées par les organisations internationales, tandis que les manifestations nationales relèvent de l'organisation antidopage compétente du pays. Cela explique que l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ne puisse, sans l'accord de la Fédération internationale de tennis, procéder à des contrôles à Roland-Garros. Pour l'heure, l'article L. 230-2 du Code du sport considère comme compétition internationale toute manifestation sportive pour laquelle un organisme sportif international édicte les règles qui sont applicables à cette manifestation ou nomme les personnes chargées de faire respecter les règles applicables à cette manifestation. Parce que ces critères sont très larges, il est proposé de se fonder sur la qualité de l'organisateur de la compétition. L'enjeu est de taille, lorsque l'on connaît la faible propension de certaines fédérations internationales à organiser une lutte efficace contre le dopage.

Romain Boffa

 

2° Contrats des sportifs professionnels

18 - Transfert de sportif professionnel : l'ingénierie contractuelle. Par un arrêt du 19 février 2013, la Cour de cassation a eu l'occasion de trancher un différend entre l'équipe de Lille (LOSC) et l'OL à l'occasion du transfert d'un joueur du premier club vers le second (Cass. com., 19 févr. 2013, n° 11-28.560, inédit). Ce n'est pas véritablement la solution qui est intéressante, compte tenu de ce que la Cour régulatrice se range derrière l'appréciation souveraine par les juges du fond de la volonté des parties. Ce qui est digne d'intérêt, c'est de voir combien les parties sont imaginatives pour déterminer le montant de l'indemnité de transfert. En l'espèce, à une indemnité de 16 millions d'euros venaient s'ajouter, outre un classique intéressement au transfert lors de la « revente » du joueur, une compensation financière annuelle pour « perte d'image ». Il était ainsi prévu que l'OL devait payer au LOSC une certaine somme en cas de qualification en Ligue des champions, en ce que cela occasionnait un préjudice d'image au LOSC, en remettant en cause son image de « bon gestionnaire ». Par là même, la clause souligne que les personnes morales peuvent éprouver un préjudice moral et que de la même manière que l'on peut monnayer ses larmes, on peut monnayer ses fautes de gestion.

Romain Boffa

 

19 - Qualité de sportif professionnel. En droit social du sport se posent de véritables questions existentielles. Tout d'abord, être ou ne pas être salarié ? De longue date, la dénomination de la convention n'empêche aucunement la qualification de ladite convention en contrat de travail (Cass. soc., 11 févr. 1998, n° 95-42.530) dès lors que les éléments constitutifs de ce genre de contrat sont présents. Partant, une convention de partenariat qui stipule des honoraires précis et dont les termes présentent un caractère impératif doit s'analyser en un contrat de travail (Cass. soc., 20 févr. 2013, n° 11-26.982, inédit).

20 - Qualité de joueur professionnel. Ensuite, être ou ne pas être un professionnel ? La Cour de cassation précise que la licence amateur détenue par un joueur ne peut, à elle seule, suffire à écarter le statut de joueur professionnel (Cass. soc., 12 déc. 2012, n° 11-14.823 : JurisData n° 2012-029210 ; JCP S 2013, 1158, note D. Jacotot ; RJS 2013, p. 188). Pour ce faire, la Cour de cassation se fonde sur l'article 500 de la Charte du football professionnel qui a valeur de convention collective (n° 11-14.823, préc. - Cass. soc., 26 sept. 2012, n° 11-18.783, P+B : JurisData n° 2012-021504) et qui énonce que « le footballeur qui est employé pour exercer, à titre exclusif ou principal, son activité en vue des compétitions, est un footballeur professionnel ».

21 - Qualité d'artiste du spectacle. Enfin, être ou ne pas être artiste ? Le sportif peut-il se voir conférer la qualité d'artiste du spectacle auquel est attachée une présomption de salariat ? Le point de rupture entre le simple salariat et la qualité d'artiste interprète n'est guère évident. Pour la Cour de cassation, comme cela a pu être reconnu aux boxeurs (Cass. soc., 6 mars 2003, n° 01-21.323 : JurisData n° 2003-018236 ; D. 2003, p. 2109, note J.-P. Karaquillo), lorsqu'un sportif - en particulier un cycliste - participe à une « exhibition à caractère sportif sans compétition, assimilable à un spectacle », et ce « à titre individuel », la magie du droit le transforme en artiste du spectacle (Cass. 2e civ., 28 mars 2013, n° 12-13.527, P+B : JurisData n° 2013-005540), ce qui entraîne son affiliation aux assurances sociales du régime général de la sécurité sociale. Dès lors, les sportifs participant à une compétition sportive entrent dans la catégorie des salariés simples, se rapprochant ainsi des candidats de télé-réalité auxquels a été refusée la qualité d'artiste-interprète (Cass. 1re civ., 24 avr. 2013, n° 11-19.091, P+B+I : JurisData n° 2013-007958 ; JCP G 2013, note XX, X. Daverat ; JCP S 2013, 1191, Avis O. Falletti).

22 - Principe de non-discrimination. Un vent de respect pour tous, en provenance de l'Union européenne, souffle sur le droit social du sport. Les propos homophobes n'ont plus droit de cité dans les stades. Mal avisé serait le dirigeant d'un club sportif roumain qui, dans le cadre d'une interview concernant l'éventuel transfert d'un footballeur professionnel et l'orientation sexuelle supposée de ce dernier, se laisserait aller à des déclarations par lesquelles il indiquerait qu'il préférerait recruter un joueur de l'équipe junior plutôt qu'un joueur homosexuel. Effectivement, pour la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 25 avr. 2013, C-81/12, Assoc. ACCEPT : Lexbase Hebdo éd. soc. n° 527, 16 mai 2013, note Ch. Willmann), interprétant la directive du 27 novembre 2000 (Cons. UE, dir. 2000/78/CE : JOCE n° L 303), ce genre de dires peut faire présumer l'existence d'une discrimination à l'embauche, quand bien même le dirigeant n'aurait ni la capacité juridique de lier le club, ni de le représenter. Il sera d'ailleurs difficile de combattre cette présomption simple de discrimination par une explication objective (Cons. UE, dir. 2000/78/CE, préc., art. 10). Par ailleurs, la directive impose que les sanctions applicables soient effectives, proportionnées et dissuasives (Cons. UE, dir. 2000/78/CE, préc., art. 17 et consid. 35). Il est douteux que la « recommandation de respecter les dispositions légales », sanction généralement retenue par l'autorité compétente roumaine dans ce cas de figure, puisse être considérée comme appropriée.

23 - Requalification. Contrat de prédilection du domaine sportif, le contrat à durée déterminée (CDD) d'usage suppose la rédaction d'un écrit comportant nombre de mentions (C. trav., art. L. 1242-12). À défaut, une requalification du CDD en contrat à durée indéterminée (CDI) est envisageable. Dépourvue de caractère automatique, la requalification doit être demandée par le salarié sans que le juge puisse y procéder d'office (Cass. soc., 20 févr. 2013, n° 11-12.262, P+B : JurisData n° 2013-002717, à propos d'un éducateur sportif). En vertu de l'article L. 1245-1 du Code du travail, en l'absence de contrat écrit, les parties sont réputées liées, dès l'origine, par un CDI. Cependant, il ne s'agit que d'une présomption simple de CDI que le salarié peut combattre car il a « la faculté de prouver, au soutien d'une demande en requalification en CDI, que les parties avaient entendu conclure un CDD » (Cass. soc., 12 déc. 2012, n° 11-14.823, préc.).

24 - Rupture du CDD. Régie par l'article L. 1243-1 du Code du travail, la rupture anticipée du CDD d'usage peut résulter de différents motifs : « Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail ». Quel qu'en soit l'auteur, la faute grave offre donc l'opportunité de rompre le contrat avant le terme prévu. Ainsi, le dopage du salarié constitue une faute grave qui justifie une telle rupture (Cass. soc., 5 déc. 2012, n° 10-24.821, inédit). Du côté de l'employeur, le défaut de paiement de salaire du joueur resté à la disposition de son club constitue une faute grave justifiant la fin du contrat de travail (Cass. soc., 18 juill. 2001, n° 99-42.992). Néanmoins encore faut-il que le salarié soit resté à la disposition du club, le salaire étant la contrepartie du travail (Cass. soc., 13 févr. 2013, n° 11-26.556, inédit : RJS 2013, p. 228). En d'autres termes, le juge doit rechercher si le défaut de paiement de la rémunération est ou non la conséquence de l'absence de toute prestation du joueur (Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43.097, inédit).

25 - Obligation de reclassement. Qui a dit que le sport avait une spécificité ? Pas la juridiction travailliste qui impose le respect des conditions de droit commun du licenciement pour inaptitude physique. En ce cas, l'employeur doit satisfaire à une obligation de reclassement avant tout licenciement, c'est-à-dire, conformément à l'article L. 1226-2 du Code du travail, proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités. En présentant au footballeur des postes dont la rémunération est inférieure au SMIC, le club employeur n'exécute pas loyalement son obligation de reclassement ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 5 déc. 2012, n° 11-21.849 : JurisData n° 2012-028260).

Jean-Philippe Tricoit

 

C. - Agents sportifs

1° Statut des agents sportifs

26 - La licence, sésame de l'exercice de la profession ? On sait que l'exercice de la profession d'agent sportif suppose la détention d'une licence délivrée par la fédération délégataire (C. sport, art. L. 222-7). Dans ce cadre, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du père d'un sportif qui avait été condamné pour exercice illégal de la profession d'agent sportif à l'occasion du transfert de son fils du Paris Saint-Germain (PSG) vers l'Olympique de Marseille (OM) (Cass. crim., 17 févr. 2013, n° 11-88.189, inédit). Alors que le condamné s'évertuait à montrer qu'il était seulement intervenu en aval du transfert, pour récupérer les fonds, et non comme intermédiaire, la Cour de cassation s'est rangée derrière l'appréciation souveraine des juges du fond pour estimer que le délit était constitué. La licence est donc un sésame nécessaire. Pourtant, elle est menacée par les réformes à venir au sein de la FIFA. Ainsi, le Congrès de la FIFA du 31 mai 2013 a validé le projet tendant à abandonner le système des licences au profit de la catégorie d'intermédiaires, afin de mieux contrôler une profession qui tend dans les faits à être exercée hors de toute licence. À cette occasion, des heurts ne vont pas manquer de se produire entre la loi française, qui impose la détention d'une licence, et la lex sportiva, qui s'en affranchit. Voilà sans doute un épineux sujet de discussion pour les prochaines réunions du Conseil national du sport...

Romain Boffa

 

2° Contrats des agents sportifs

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Actualité bibliographique

Ouvrages

F. Buy, J.-M. Marmayou, D. Poracchia et F. Rizzo, Droit du sport : LGDJ, 2012, 3e éd. - J.-R. Cognard, Contrats de travail dans le sport professionnel, Sportifs et entraîneurs : Juris éditions, 2012. - S. Pautot, M. Pautot, Les contrats de travail des sportifs : Voiron, coll. PUS, 2012. - J.-Fr. Davoust, I. Martinache, Du sport ouvrier au sport oublié ? Histoire mêlée de la CGT et du sport : Geai Bleu/CRIS, 2013. - G. Simon et alii, Droit du sport : PUF, 2012

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Publié le 02 décembre 2013