Droit du sport

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La semaine de la doctrine

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Sports

XXX

Droit du sport

sous la direction de

Romain Boffa,

professeur à l'université Lille 2

avec

Nathalie Blanc,

maître de conférences à l'université Paris 2

Manuel Gros,

professeur à l'université Lille 2

Bernard Haftel,

maître de conférences à l'université d'Orléans

Franck Le Mentec,

avocat associé, Cotty Vivant Marchisio et Lauzeral

Jean-Philippe Tricoit,

maître de conférences à l'université Lille 2

 

La chronique couvre la période de juin 2014 à mai 2015.

  1. L’ordre sportif

 

  • Normes sportives

 

1° Production des normes sportives

 

Parité au sein des instances dirigeantes des fédérations sportives – Lors de notre précédente chronique, nous avions évoqué l’injonction du Conseil d’Etat au Premier ministre, d’abroger une disposition réglementaire du code du sport imposant, « en l’absence de toute disposition législative » une « proportion déterminée entre les hommes et les femmes » au sein des fédérations sportives (CE, 10 oct. 2013, n° 359219).

Ainsi, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (L. n° 2014-873, 4 août. 2014, art. 63, JO 5 août.) a modifié l’article L131-8 du code du sport, aux fins de favoriser la parité dans les instances dirigeantes des fédérations, en distinguant selon  que« la proportion de licenciés de chacun des deux sexes est supérieure ou égale à 25%, » (exigence d’une  « une proportion minimale de 40% des sièges ») pour les personnes de chaque sexe » prévue par le statuts, et que « la proportion de licenciés de l’un des deux sexes est inférieure à 25%, » (exigence d’une proportion minimale de 25%). En outre, l’article précité énonce désormais que « la proportion de licenciés de chacun de deux sexes est appréciée sans considération d’âge ni de toute autre condition d’éligibilité aux instances dirigeantes »

Compétence du maire pour la réception de la déclaration des manifestations sportives se déroulant sur la voie communale – La loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit a inséré un nouvel article L331-8-1 dans le code du sport, ainsi rédigé : « Les manifestations sportives ne comportant pas la participation de véhicules à moteur et se déroulant à l’intérieur du territoire d’une seule commune font l’objet d’une déclaration auprès du maire de la commune concernée », dont les conditions d’application seront fixées par décret en Conseil d’Etat (L. n° 2015-177, 16 févr. 2015, art. 15, JO, 17 févr.). S’il devait -antérieurement à cette loi- s’adresser au préfet, l’organisateur d’une manifestation sportive devra désormais satisfaire à son obligation déclarative auprès du maire.

 

2° Contrôle des normes sportives

Sanctions disciplinaires FFF : non-application de la jurisprudence Occansey  –

Dans l’arrêt Occansey (Cf. précédente chronique), le Conseil d’Etat avait annulé des dispositions des règlements de la Fédération française de basketball qui prévoyaient des sanctions « automatiques », considérant qu’elles étaient contraires à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, siège du principe de l’individualisation des peines (CE, 21 oct. 2013, n° 367107). La question s’est posée de savoir si cette jurisprudence allait remettre en cause les sanctions prononcées par d’autres fédérations sportives, et notamment par la Fédération française de football. Le juge administratif s’est employé à lever ces doutes, en précisant le contour des obligations pesant en la matière sur les fédérations et leurs organes disciplinaires. Ainsi, pour le cas d’un joueur du FC Nantes suspendu par la FFF à la suite de trois cartons jaunes reçus en moins de trois mois, le T.A de Nantes a estimé qu’il n’y avait pas violation de l’article précité de la DDHC (TA Nantes, 17 juin 2014, no 1401659, 1402812, 1401735). La cour administrative d’appel de Nantes a confirmé ce jugement, considérant que la sanction n’a pas été « prise automatiquement », en relevant que le joueur avait la possibilité de contester « la réalité et l’imputabilité » de chacun des avertissements, avant de souligner le pouvoir de modulation de la commission disciplinaire (CAA Nantes, 31 déc. 2014, no 14NT01945, 14NT01946).  Ainsi, grâce à la sémantique, les sanctions dites « automatiques » ne le sont pas et ne contreviennent pas au principe d’individualisation des peines.

Retour sur l’affaire Luzenac - La traditionnelle saison des décisions d’accession ou de refus d’accession a été particulièrement riche en 2014. En effet, le club de Luzenac Ariège Pyrénées s’est vu refuser son accession au championnat de France de Ligue 2 par la Ligue de Football Professionnel (LFP), coup sur coup pour un motif d’ordre comptable que le juge des référés du Tribunal Administratif de Toulouse a écarté (TA Toulouse, ord., 1er août 2014, n° 1403699), puis pour un motif d’ordre matériel lié à l’insuffisance des infrastructures à disposition du club pour garantir le bon déroulement de la compétition conformément au règlement administratif de la LFP, pour lequel le juge des référés a cette fois constaté l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (TA Toulouse, ord., 4 sept. 2014, n° 1404117). Le droit et l’équité sportive ne sont pas toujours convergents.

 

Incompétence de la FFF pour tirer les conséquences d’une décision prise par la DNCG - Au terme de la saison 2013-2014, le RC Lens (2ème au classement final du championnat de Ligue 2) a acquis sportivement le droit d’accéder à l’échelon supérieur, tandis que le FC Sochaux (18ème au classement final du championnat de Ligue 1) devait être rétrogradé dans l’antichambre de l’élite. L’intersaison a été mouvementée pour le club nordiste qui s’est d’abord vu refuser l’accès en L1 par la Direction nationale de contrôle de gestion de la Ligue de football professionnel. Après que le CNOSF ait proposé de « substituer à la mesure d’interdiction d’accession sportive en L1 (…) une limitation de la masse salariale du club et/ ou de recrutement contrôlé », le comité exécutif de la Fédération française de football a finalement validé la montée du RC Lens en L1. Le FC Sochaux, lésé par le dénouement de cette affaire, a déféré cette décision à la censure du tribunal administratif de Besançon qui a considéré, au regard de l’article L132-2 du code du sport et des articles 1, 5 et 11 de l’annexe à la convention conclue entre la FFF et la LFP, « qu’il appartenait à la seule Ligue de Football Professionnel de tirer les conséquences (…) des décisions prises par la DNCG (…) à l’égard du RC Lens » (TA Besançon, 29 janv. 2015, n° 1401378). Dès lors, la décision édictée par le comité exécutif FFF était entachée d’incompétence et devait être annulée.

Cependant, au vu des conséquences excessives sur l’organisation des compétitions en cours, les juges ont précisé que cette annulation ne produirait ses effets qu’à compter de la fin de la saison 2014-2015. Ce faisant, ils ont exercé le pouvoir de modulation dans le temps des effets d’une décision d’annulation que leur confère la jurisprudence (CE, Ass., Association AC ! et autres, 11 mai 2004, n° 255886).

 

  • Justice sportive

 

2° Justice sportive et justice étatique

L’interdiction de déplacement de supporters est une mesure de police administrative – Une association de supporters lensois demandait au juge des référés du Conseil d’Etat d’ordonner, sur le fondement de l’article L521-2 du C.J.A, la suspension d’un arrêté du ministre de l’intérieur interdisant aux supporters du RC Lens de se rendre à Bastia.

En effet, le Conseil d’Etat a rappelé que l’interdiction de déplacement de supporters présente le caractère d’une mesure de police et que l’existence d’une atteinte à l’ordre public de nature à justifier une telle interdiction « doit être appréciée objectivement, indépendamment du comportement des personnes » qu’elle vise (CE, ord., 12 sept. 2014, n° 384405).

 

L’appréciation de l’urgence en matière de référé-suspension, appliquée au sport :

La compétitivité de l’équipe de France est constitutive d’urgence :

Une convention quadriennale (juillet 2013-juin 2017) passée entre la Fédération Française de Rugby (FFR) et la Ligue Nationale de Rugby (LNR), sur le fondement des articles R. 132-9 et R. 132-11 du code du sport, stipule que la FFR « établira chaque saison une liste de 30 joueurs susceptibles d’être sélectionnés en équipe de France pour lesquels » il ne sera pas possible de disputer plus de 30 matchs toutes compétitions confondues sur une saison. Le Stade Toulousain, qui fournit à lui seul 1/5ème des joueurs du « groupe France » retenus par la fédération pour la saison 2014/2015, a présenté une requête devant le juge des référés du Conseil d’Etat afin que soit suspendue l’application de la convention en ce qu’elle introduit un plafonnement du nombre de matchs à jouer par ses joueurs concernés. La condition d’urgence, appréciée dans la balance des intérêts en cause, opère en ce cas dans le sens  fédéral puisque « l’exécution immédiate de la règle du plafonnement qui poursuit l’objectif de favoriser la compétitivité de l’équipe de France en préservant les joueurs qui en sont membres d’un nombre trop élevé de matches durant la saison, présente un intérêt public », la condition d’urgence n’est pas remplie (CE, ord., 24 juillet 2014, n° 381302).

 

Pas d’urgence pour un sportif amateur – En matière sportive, la condition d’urgence, présumée lorsqu’est contestée la suspension ou la radiation d’un sportif professionnel (CE, 8 juill. 2005, n° 275537), n’est pas constituée  pour un sportif amateur âgé de 58 ans qui n’ayant  pas satisfait aux exigences du contrôle antidopage s’était  vu infligé, par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), deux ans de suspension de compétitions, à raison de sa qualité d’amateur et du fait  que « la mesure de suspension qui le frappe ne le met pas dans l’impossibilité de continuer de pratiquer la discipline qu’il affectionne » pendant la suspension et – de façon plus contestable – que « le risque qu’il ne soit plus en mesure de participer à de nouvelles manifestations sportives » à l’issue de sa suspension compte tenu de son âge avancé et de la rigueur physique qu’exige un tel effort « est purement hypothétique ». (CE, ord., 10 oct. 2014, n° 384540).

Publié le 14 mars 2019