Questionnements sur la requalification du contrat et sur la modification de la méthode de notation

TA Versailles, 18 octobre 2019, n°1803617

La contestation par un candidat évincé des conditions dans lesquelles un contrat de mise à disposition temporaire d’emplacements destinés à l’installation d’armoires sécurisées pour le dépôt d’attelles et orthèses au service d’accueil des patients non hospitalisés a été l’occasion pour le tribunal administratif de Versailles de se positionner sur deux questions intéressantes concernant :

- la distinction entre contrat d’occupation du domaine public et marchés publics tels que définis à l’article 4 de l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015, d’une part, et contrats de concession tels que définis à l’article 5 de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016, d’autre part.

- la modification de la méthode de notation irrégulière annoncée dans le règlement de consultation

 

En premier lieu, s’agissant de la première interrogation, le centre hospitalier avait qualifié le contrat en litige de contrat d’occupation du domaine public et avait engagé une procédure de consultation librement définie en application de l’article L.2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.

La société requérante qui avait vu son offre rejetée, faisait valoir dans le cadre d’un recours en contestation de la validité du contrat, que le contrat en litige présentait en réalité toutes les caractéristiques d’un contrat de la commande publique, et que le centre hospitalier était donc l’auteur d’un détournement de procédure, manquement qui l’avait, selon elle, directement lésée puisque la procédure mise en œuvre ne présentait pas toutes les garanties attachées aux procédures prévues pour ce type de contrat.

En effet, pour la société requérante, le contrat visait en réalité à satisfaire directement un besoin du centre hospitalier au regard du vocabulaire utilisé dans la convention, les mots « besoins » du centre hospitalier ou encore « exprimés » par le centre hospitalier, apparaissant à de nombreuses reprises. Au-delà, il était selon elle évident à la lecture de la convention, que le centre hospitalier en était à l’initiative et qu’il apportait d’ailleurs son concours à la réalisation de la prestation caractérisant la satisfaction d’un besoin propre.

Le tribunal administratif de Versailles ne suivait cependant pas la société requérante, et considérait que le centre hospitalier avait à juste titre « qualifié le contrat en cause de convention d’occupation du domaine public dès lors qu’il permet simplement d’occuper le s locaux du service des urgences en y installant des armoires sécurisées contenant différents modèles d’attelles ou  orthèses et, à titre exclusif, d’exploiter en contrepartie d’une redevance une activité économique de fournitures aux patients de matériel orthopédique qui ne relève pas
des attributions du centre hospitalier
 ».

Le tribunal ajoute, pour écarter toute possibilité de requalification en contrat de concession de service, que le risque lié à cette activité était en tout état de cause limité, ne se prononçant néanmoins pas sur l’hypothèse d’un possible abandon de recettes pour une qualification potentielle en marché public comme le suggérait également la société requérante.

 

En second lieu, le tribunal administratif de Versailles a eu à se prononcer sur la question non moins intéressante de la faculté, dans le cadre d’un contrat d’occupation du domaine public, de modifier, après la date limite de remise des offres, la méthode de notation du critère « Prix » pourtant annoncée dans le règlement de consultation.

En effet, la méthode de notation de ce critère annoncée par le centre hospitalier contenait une erreur.

Le centre hospitalier avait retenu une méthode s’employant normalement pour apprécier des offres de prix versés au titulaire, si bien que l’offre la mieux disante (redevance la plus élevée) ne se voyait pas attribuer la meilleure note :

 10 x          (montant du loyer annualisé + montant annuel de la redevance) proposé par le candidat le mieux disant

                        --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

               (montant du loyer annualisé + montant annuel de la redevance) proposé par le candidat X

Toutefois, la simple inversion de l’ordre de la division, pour corriger ce qui apparaissait comme une simple erreur matérielle, en intégrant les données relatives au candidat au dessus de la barre de division, et celles relatives au candidat le mieux disant en dessous, la logique aurait pu être respectée et l’offre la mieux disante se voir attribuer la meilleure note.

Loin de cette logique pourtant évidente, le centre hospitalier appliquait une méthode totalement nouvelle et artificielle, ayant pour effet de réduire l’écart de note sur ce critère prix, et au final de classer l’offre de la société requérante globalement en deuxième position.

La société requérante s’estimait lésée puisqu’une correction consistant à simplement inverser l’ordre de division pour retrouver la logique initiale lui aurait permis d’être globalement l’offre la plus avantageuse par application des différents critères.

Le tribunal administratif de Versailles en jugeait toutefois encore autrement, en considérant que :

« En appliquant la nouvelle méthode de notation pour le critère « Prix », le centre hospitalier a été conduit à attribuer la meilleure note à la société X…, mieux-disante que la société Y…. sur ce critère. Par suite, la société requérante n’a pu être lésée par le manquement qu’elle invoque, qui a conduit à lui attribuer la meilleure note sur le critère du prix, alors d’ailleurs, qu’en tout état de cause, il appartenait au centre hospitalier, en sa qualité d’autorité gestionnaire du domaine public, de fixer lui-même le montant de la redevance domaniale devant être versée par l’attributaire du contrat. Ce moyen doit donc être écarté »

La requête était donc rejetée de manière pour le moins discutable.