Avenant et clause de renonciation à tout recours

Le tribunal administratif de Lille donne son plein effet à une clause de renonciation à tout recours dans un avenant (TA LILLE, 27 juin 2017, n°1403488)

Le Cabinet a obtenu pour le compte d’un établissement public de santé mentale situé dans la Région des Hauts-de-France, le rejet d’une requête de membres d’un groupement momentané d’entreprises titulaire d’un marché de construction d’une nouvelle structure psychiatrique, et visant à l’indemnisation d’un prétendu préjudice né de l’exécution de ce marché.

En l’occurrence, ce marché, conclu sous la forme dérogatoire de marché de conception-réalisation prévu à l’article 69 du code des marchés publics issu du décret n°2006-975 du 1er août 2006 modifié, alors en vigueur, prévoyait deux phases successives bien distinctes : la phase étude et la phase travaux.

Le Cahier des Clauses Administratives Particulières prévoyait à cet égard que :

« Un ordre de service est obligatoire notamment pour commencer :

  • les études d’APD
  • le dossier du permis de construire
  • la période de préparation du chantier dont la durée maximum est de 2 mois
  • l’exécution des travaux »

Dans le cadre de la phase travaux, les documents du marché distinguaient donc nettement la préparation du chantier, et le démarrage effectif des travaux, sanctionnés par la notification de deux ordres de services distincts.

L’E.P.S.M. donnait l’ordre au groupement titulaire de débuter la mission APD à compter du 21 mars 2011, avec un délai de réalisation de cette mission de 8 semaines. Puis, par un nouvel ordre de service, les membres du groupement étaient invités à exécuter le dossier de Permis de Construire dans le délai de 2 semaines à compter du 16 mai 2011.

A l’issue de la phase d’études qui a connu quelques difficultés du fait notamment d’erreurs de plan et de demandes de modifications du projet, un nouvel ordre de service en date du 4 juillet 2012, autorisait le groupement à procéder à la préparation du chantier à compter du 5 juillet 2012, qui conformément à l’article 10 du CCAP, devait être réalisée dans un délai de 2 mois. L’ensemble de ces ordres de service était accepté sans réserve.

Cependant, alors qu’aucun ordre de service pour commencer l’exécution des travaux n’avait était notifié au terme du délai de 2 mois de la période de préparation, le membre du groupement concerné par l’exécution de ces travaux, indiquait avoir loué du matériel et engagé du personnel sur le chantier pour démarrer les travaux au 1er octobre 2012, et qu’il aurait été contraint d’interrompre au soir du 4 octobre 2012. Il estimait donc avoir subi un préjudice d’exploitation du 5 octobre 2012 au 10 décembre 2012, date à laquelle l’ordre de service de démarrage des travaux lui était finalement notifié, en faisant valoir que la notification de l’ordre de service de démarrage aurait dû intervenir dès la fin de la période de préparation.

Ce litige mettait en évidence notamment une difficulté tenant à la recevabilité des conclusions de la requête, dès lors que le marché faisait référence au CCAG-Travaux issu de l’arrêté du 8 septembre 2009, et que ce dernier prévoit en son article 3.8.2 que « Lorsque le titulaire estime que les prescriptions d'un ordre de service appellent des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les notifier au maître d'œuvre, dans un délai de quinze jours, décompté ainsi qu'il est précisé à l'article 3.2 ».

Or, en l’espèce, les membres du groupement n’avaient émis aucune réserve à l’ordre de service de démarrage des travaux du 10 décembre 2012, et ce n’est que bien après l’expiration du délai de 15 jours, qu’ils adressaient un mémoire en réclamation.

L’ordre de service fixant la date de démarrage des travaux, il entrait dans le champ de la jurisprudence OPHLM Kremlin-Bicêtre, et la forclusion valablement opposée (CE, 5 juillet 1972, n°81116).

Toutefois, le tribunal administratif de Lille n’a pas eu à se prononcer sur cette forclusion, dès lors que la requête était entachée d’une autre irrecevabilité, tenant cette fois à la présence d’une clause de renonciation contenue dans un avenant postérieur conclu le 13 mai 2013, qui avait pour objet le coût des modifications apportées au projet.

Le tribunal administratif considère ainsi que la demande d’indemnisation de la perte d’exploitation subie du fait du retard du démarrage du chantier entre le 4 octobre  et le 14 décembre 2012 « concerne ainsi des faits antérieurs à la signature de l’avenant conclu le 13 mai 2013 afin d’augmenter le prix du marché pour refléter le coût des modifications apportées au projet ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, dès lors que l’article 4 de l’avenant comporte une clause distincte de renonciation à tout recours contre l’avenant, la clause de renonciation à tout recours ultérieur pour des faits antérieurs à la signature de l’avenant doit être regardée comme portant sur toute réclamation concernant l’exécution du marché avant la conclusion de l’avenant, y compris pour des dommages ne résultant pas des modifications apportées au projet »

 

En conclusion, les titulaires des marchés publics doivent être particulièrement vigilants lors de la signature d’un avenant, à la présence de clauses de renonciation et à leur rédaction. Ainsi, la présence d’une clause de renonciation prévoyant que « Le titulaire du marché renonce à tout recours ultérieur pour les faits antérieurs à la signature de cet avenant », n’a pas pour effet de limiter simplement les recours contre les faits objet de l’avenant, mais leur interdit toute réclamation indemnitaire qui serait fondée sur des faits antérieurs, même sans lien avec l’objet de l’avenant.